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Enfant de salaud, Sorj Chalandon

Dernière mise à jour : 12 oct. 2021

« Change tes larmes en encre », m’avait conseillé l’ami François Luizet, reporter au Figaro, qui m’avait surpris, quelques années plus tôt dans le sud de Beyrouth, assis sur un trottoir, désorienté, sans plus ni crayon ni papier, à pleurer les massacres que nous venions de découvrir à Sabra et Chatila.







Mon avis :

Sorj Chalandon est un journaliste et écrivain et Enfant de salaud est loin d'être son premier roman. Il s'agit d'une biographie romancée de sa vie, mais surtout de celle de son père, dans laquelle il prend la place du narrateur. Il se pose la question suivante : "Que faisait mon père sous l'occupation ?". Ce roman raconte sa quête de vérité sur la vie de son père durant la Seconde Guerre mondiale. La vérité sera difficile à exposer car l'homme est violent et fou, il manie à merveille l'art du mensonge. A tel point qu'il s'invente des vies, des aventures et exploits auxquels il croit aveuglément. C'est pourquoi Sorj Chalandon grandit auprès d'un père qu'il pense être héroïque, un modèle de courage. Mais un jour, son grand-père lui révèle qu'il est un "enfant de salaud". Enfant d'un traître, un déserteur, un collabo. Un enfant de la honte qui portera le fardeau du passé de son père. Des années plus tard, en parallèle du procès du criminel Klaus Barbie, le fils retrouve le dossier militaire judiciaire de son paternel, qui le met face à une vérité tout autre que celle narrée par ce dernier. Sorj Chalandon vacille entre deux émotions : il s'en veut d'avoir profané le passé mais espère silencieusement que cette découverte, appuyée par le retentissement du procès criminel en cours, amènera son père à accepter sa véritable histoire.

J'ai beaucoup aimé ce roman mais j'ai trouvé quelques défauts à l'écriture, très factuelle, en cohérence avec le métier de l'auteur mais qui casse parfois le rythme du récit. Le roman est composé d'interrogatoires de police, de procès-verbaux, de faits historiques qui rendent la lecture très saccadée. D'un autre côté, l'originalité de cet écrit, c'est qu'il parle non pas de l'histoire d'un homme de la Résistance, ni d'un militaire, ni d'un collabo, ni d'un déserteur mais d'un homme qui s'est perdu dans plusieurs rôles au point d'en perdre la tête. Or généralement, les livres sont consacrés à la mémoire d'un homme ayant eu un même uniforme durant toute la guerre. La force du récit réside dans le fait que l'auteur ait réussi à transmettre le désespoir du narrateur et sa colère au lecteur. En définitive, c'est un roman qui entremêlent brillamment l'Histoire universelle et l'histoire familiale plus intime.


Extraits :

"Des mains de mon père, je ne connaissais que les poings."


"Je suis un soldat et non un romancier." Il m'épiait. Il a haussé les sourcils, levé la tête comme on pose une question. Mon père et son histoire, rassemblés dans une même salle, en secret. Sa vie de mensonges et sa guerre pour de vrai. Son regard, sa lettre, je passais de l'un à l'autre jusqu'au vertige."



"Le salaud, c’est l’homme qui a jeté son fils dans la vie comme dans la boue. Sans trace, sans repère, sans lumière, sans la moindre vérité. Qui a traversé la guerre en refermant chaque porte derrière lui."


1 Comment


Mourad
Mourad
Oct 09, 2021

Merci pour cet avis intéressant et pertinent.

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